Le 7 juin 2013, de nombreux détails des programmes de surveillance internet PRISM et Tempora, dirigés par l’américaine NSA (National Security Agency) et la britannique GCHQ (Government Communications Headquarters), sont portés au grand jour. A l’origine de ces révélations initialement publiées par le quotidien britannique The Guardian: Edward Snowden, ex-consultant pour la NSA et la CIA.
De quoi sont capables ces programmes de surveillance ?
Les allégations, fondées sur une série de documents classés top-secret et fournis par le jeune informaticien de 30 ans, concernent l’existence d’une back-door chez plusieurs géants de l’internet. Des multinationales comme Facebook, Microsoft ou encore Google auraient fourni un accès direct à leur système aux agences de sécurité gouvernementales.
Les gouvernements auraient ainsi accès, entre autre, au contenu de mails et de live chats, ainsi qu’aux conversations audiovisuelles via un accord avec Skype. Toujours, selon The Guardian, les multinationales mises en cause auraient, pour celles qui ont répondu, réfuté ces accusations.
Etant donné le caractère multinational de ces entreprises, de nombreux États craignent pour la protection des données privées de leurs consommateurs ainsi que celle de leurs institutions. La France a annoncé ne pas pouvoir "accepter ce comportement" qui doit cesser "immédiatement". Un responsable européen a souligné une possible "rupture de confiance" au cas où les faits seraient avérés (AFP), tandis que The Guardian, révélait que l’Italie, la France ou encore la Grèce seraient parmi les 38 cibles privilégiées de la NSA.
La NSA défend les programmes de surveillance
Qu’en est-il de la Tunisie ?
Près d’un tiers des tunisiens sont utilisateurs de Facebook et nombre d’entre eux sont adeptes du service de boîte électronique de Google ou encore du logiciel de communication audiovisuelle Skype. Les risques constatés dans d’autres pays devraient donc également s’appliquer en Tunisie.
Selon le directeur de l’Agence tunisienne d’Internet (ATI), Moez Chakchouk, joint par le HuffPost Maghreb
, les récentes révélations ne changent que peu l’état des choses, car les autorités "se doutaient probablement de l’existence de tels comportements" de la part des multinationales. Mais alors que la Commission nationale de l’informatique et des libertés française (CNIL) et son équivalente espagnol AEPD leur ont déjà promis des sanctions au cas où ces comportements persisteraient, le sujet reste étrangement absent des débats en Tunisie.
Moez Chakchouk admet que malgré "son nombre comparativement réduit d’internautes, la Tunisie, comme tout autre pays, est bien sûr concernée par ces révélations, surtout que l’usage des réseaux sociaux a atteint son apogée, notamment depuis la révolution et l’ouverture totale de l’Internet".
Mais il analyse également que les tunisiens "sont encore très sensibles au sujet de la censure du net" et ne se préoccupent donc pas de la protection de leurs données. Un débat en efface un autre.
Lors de la conférence 2013 de la Freedom Online Coalition (FOC), qui regroupe 21 pays et avait lieu à Tunis le 17 et 18 juin, les enjeux des libertés en ligne devaient être abordés sous tous leurs aspects. Mais les participants tunisiens "se sont peu intéressés pour les sujets de protection, et bien plus pour ceux de la censure", indique Moez Chakchouk. En revanche, un évènement annexe, hébergé par Nawaat, a été dédié exclusivement à une discussion autour de la surveillance internet, comme le rappelle Jillian C. York, directrice de l’EFF.
Même s’il identifie des risques non moins importants liés à la protection de données personnelles et à la garantie de la liberté d’expression sur internet, M. Chakchouk pense que les enjeux de ces révélations sont autre part.
"Moi aussi, je veux!"
Des "rapports de transparence" publiés par Google, Microsoft et bientôt Facebook font état de nombreuses demandes d’accès aux données personnelles de la part de plusieurs gouvernements. Pour le moment, "ces rapports ne mentionnent pas la Tunisie", précise Moez Chakchouk, "mais il y a là un véritable risque de contagion".
Ayant constaté l’accès privilégié offert aux américains par ces multinationales, il est en effet plausible que certains gouvernements songent alors à réclamer les mêmes privilèges. A titre personnel, il ne pense pas que "Google ou Facebook agiront dans ce sens, surtout dans les pays où il n’existe aucun garde-fou juridique pour garantir les droits de l’homme sur internet".
Quant à l’espionnage d’État tant craint par les grandes puissances, Moez Chakchouk ne croit pas que la Tunisie soit concernée, les "intérêts commerciaux y étant relativement faibles".
Pour le directeur de l’ATI, il faut avant tout agir "à échelle internationale", notamment via l’adhésion à la convention 185 du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité mais aussi à la convention 108 relative à la protection des données personnelles. La Tunisie, en attendant, a d’autres priorités : "l’emploi, la croissance économique, la démocratie, etc…". Et en ce but, "c’est dans le sens économique qu’il faut coopérer avec ces multinationales pour promouvoir l’innovation, avant de poser toute question liée à la sécurité nationale et les risques relatifs à l’usage d’internet".
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Source: http://www.huffpostmaghreb.com/2013/07/03/prism-tempora-surveillanc_n_3539309.html
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