Un Français sur trois ne considère pas les vaccins comme sûrs, selon une enquête mondiale publiée le 19 juin, qui fait de la France le pays le plus sceptique à leur égard. Réalisée par l'institut de sondage américain Gallup pour l'ONG médicale britannique Wellcome, cette étude est la première du genre.
Elle présente la synthèse de ce que 140 000 personnes de plus de 15 ans, interrogées en 2018 dans 144 pays, pensent de la science, des professionnels de santé et des vaccins.
Sur le site internet de l’ONG, les commanditaires du rapport précisent qu’il sera répété dans l'avenir et que ses résultats «fourniront une base de données factuelles permettant d’évaluer l’évolution des attitudes au fil du temps. [Et] Ils contribueront également à éclairer les politiques afin d'améliorer l'engagement du public envers la science et la santé».
Ses principaux enseignements sont que les trois quarts de la population mondiale font prioritairement confiance aux médecins et aux infirmières pour obtenir des conseils de santé. Le rapport de Wellcome montre aussi qu’une personne sur deux dit ne rien savoir ou presque des sciences et qu’une sur cinq s’estime exclue des bénéfices qu’elles procurent.
A l'échelle mondiale, neuf personnes sur dix affirment que leurs enfants ont été vaccinés, mais une proportion un peu plus faible de huit sur dix s'accorde pour dire que les vaccins sont sans danger.
Les pays riches seraient aussi plus méfiants
Les habitants des pays riches font le moins confiance aux vaccins, particulièrement en Europe et en France. Le sentiment toutefois ne correspond pas à ce qui est pratiqué dans les faits, la couverture vaccinale étant en hausse, selon le gouvernement français et 87% des enfants qui ont eu un an en 2018 sont vaccinés contre la rougeole.
Les données fournies par l’étude semblent parfois difficiles à exploiter. Leurs auteurs voudraient en simplifier la perception générale en affirmant qu’elle «met en lumière des poches de doute profondes quant à la sécurité des vaccins dans certaines régions et certains groupes démographiques».
Elle établit par exemple que les habitants de plusieurs régions à revenu élevé sont parmi les moins sûrs de la sécurité des vaccins. Ainsi seuls 72% des Nord-Américains et 73% des Européens du Nord sont d’accord pour dire que les vaccins sont sans danger et ce chiffre tombe à 59% en Europe occidentale et 50% en Europe orientale. En revanche, une écrasante majorité des habitants des zones à faible revenu «sont d’accord» («plutôt» ou «fortement») que les vaccins sont sans danger.
Peut-on en déduire pour autant que des contextes économiques, voire culturels déterminent de façon linéaire la confiance dans la sûreté des vaccins ? Il est permis d’en douter notamment parce que, selon l’étude, dans son attitude de méfiance, à l’égard des vaccins la France est suivie par le Gabon, le Togo, la Russie et la Suisse.
Des données qui semblent parfois contradictoires
L’étude montre aussi que ne pas considérer les vaccins sans danger ne signifie pas y être opposés ou les considérer inefficaces. Ainsi, seul un Français sur cinq pense que les vaccins sont inefficaces et seul un sur dix considère inutile de vacciner ses enfants ce qui est proche de la moyenne mondiale.
Un autre enseignement de l'étude qui embrasse de larges questions de société montre que les Français semblent parallèlement se méfier particulièrement des institutions politiques et médiatiques. La moitié ne fait «pas beaucoup» ou «pas du tout» confiance aux journalistes, la deuxième plus haute proportion dans les pays de l'OCDE après la Grèce. La méfiance envers le gouvernement est aussi relativement élevée, selon Gallup.
L’ONG fait d’ailleurs le lien entre le niveau de confiance dans les dirigeants et celui dans les vaccins. Pour expliquer le niveau de confiance très faible dans la sûreté des vaccins en France, Wellcome consacre à l’Hexagone un article à part intitulé «Comment la France persuade ses citoyens de se faire vacciner».
Cet article cite Jeremy Ward, un chercheur spécialisé dans les vaccins du laboratoire Vitrome à Marseille, pour qui «l’épidémie de VIH [sida] et le scandale du sang contaminé ont tout changé». Un autre chercheur Heidi Larson, professeur d'anthropologie à la London School of Hygiene & Tropical Medicine avance aussi qu’en 2009 en France la controverse sur la vaccination contre la grippe aviaire a abouti à «un effondrement total et absolu de la confiance».
Les dizaines de millions de doses de Roselyne Bachelot
Dans le courant de l'été, le gouvernement français avait fait savoir, par la voix de la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, qu'il optait pour une campagne de vaccination de masse non-obligatoire. L’Etat commanda alors 94 millions de doses de vaccin H1N1 pour un coût proche du milliard d’euros. C’était suffisant pour inoculer deux doses à près de 80% de la population.
Enlever la liberté de choix peut facilement paraître autoritaire[…] Dans l’environnement hautement politisé de la France, cela pourrait inciter une minorité [...] à devenir un anti-vaccin rampant
Or, le temps de livrer l'essentiel des vaccins, on se rendit compte qu'une seule dose était nécessaire et que la pandémie était beaucoup moins dangereuse qu'on ne le pensait initialement. En janvier 2010, moins de 10% de la population avait demandé à être vacciné et le gouvernement tenta sans grand succès d’annuler une partie de la commande et de revendre les dizaines de millions de doses non utilisées.
Enfin, l’article consacré à la France et associé à l'étude de Wellcome s'intéresse aux effets des campagnes de vaccination obligatoire comme celle imposée par le gouvernement pour 11 vaccins à partir de janvier 2018 contre trois auparavant.
«Enlever la liberté de choix peut facilement paraître autoritaire[…] Dans l’environnement hautement politisé de la France, cela pourrait inciter une minorité qui hésitait jusque-là, à devenir un anti-vaccin rampant», explique encore le chercheur du laboratoire marseillais Vitrome, Jeremy Ward.
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